La Croatie centrale

Nous quittons l’Istrie et prenons la direction de l’Est, vers la Croatie centrale. Nous décidons d’éviter les autoroutes, alors nous empruntons des toutes petites routes de montagne, au milieu de la forêt. Nous sommes seuls au monde et nous ne croisons personne sur des kilomètres.

Nous pensions être en plein cœur de la Croatie, mais à la sortie d’un virage nous découvrons avec surprise un panneau annonçant la frontière slovène! Nous avons suivi le GPS et nous ne pensions pas du tout être à cet endroit là!

Nous pénétrons dans la zone de frontière. Il y a une sorte de portail à l’entrée et à la sortie de la zone. En fait la route que nous suivons longe la Slovénie. Et sur notre gauche, nous apercevons et dépassons le poste frontière. Assez rapidement, nous reconnaissons ce poste frontière: c’est celui où le policier slovène nous avait refusé l’accès à la Croatie 3 semaines avant, en nous disant que notre véhicule était trop gros et que la route était dangereuse!! Nous avions dû rebrousser chemin et passer la frontière à un autre endroit. Nous nous attendons donc à une toute petite route sinueuse de montagne….

En fait pas du tout….effectivement à certains endroits, le croisement entre 2 véhicules peut être délicat et nécessite quelques manœuvres, mais rien de bien méchant…Nous sommes donc un peu étonnés et nous nous demandons si cette frontière n’est pas fermée la nuit pour d’autres raisons…il semble qu’il y ait quelques tensions politiques entre la Slovénie et la Croatie, peut être est-ce lié à cela…

Nous continuons notre route. Nous apercevons Rijeka sur notre droite, la plus grande ville d’Istrie. Nous empruntons de nouveau de toutes petites routes de montagne et la nuit commence à tomber….Alors que le matin même nous nous étions réveillés avec un grand soleil et des températures très douces, soudain la neige! Et je dirais même la tempête de neige…Sur l’application Park4night, nous avons repéré un endroit où dormir, un petit snack situé en bord de route et à côté d’un lac. Mais nous commençons sérieusement à nous inquiéter car la neige tombe de plus en plus…Nous craignons les plaques de verglas avec le camping-car, surtout dans les descentes….Coup de chance, nous nous retrouvons derrière la saleuse! Nous roulons tout doucement et arrivons à destination en toute sécurité…ouf!

Nous rentrons dans le snack pour demander s’il est possible de manger quelque chose et de rester pour la nuit. Le snack -qui est une sorte de cabane en bois devant laquelle a été rajoutée une sorte de véranda en bois- est tenu par une petite mamie. Ambiance vraiment authentique et traditionnelle. C’est tout petit et il y a un petit poêle à bois. Il n’y a qu’une seule cliente quand nous entrons. Une croate d’environ 35 ans. Apparemment il n’y a pas beaucoup d’étrangers qui passent par là, encore moins en hiver! La mamie et la jeune cliente semblent un peu étonnées de nous voir arriver là, de nuit en plus! Il est déjà pas loin de 20h. La mamie ne parle pas anglais, alors la cliente se propose de faire l’intermédiaire. Moment très agréable au chaud. Au menu: Cevapi (boulettes de viande avec des oignons et de la sauce Ajvar aux poivrons dans un pain pita) pour Guillaume et les enfants et pour moi ce sera des calamars frits.

Pendant le repas, nous parlons de la suite du voyage. Avec la guerre en Ukraine, nous pensons qu’il serait malvenu d’aller faire du tourisme dans les pays frontaliers où l’on devait passer (la Hongrie et la Roumanie) car les réfugiés commencent à affluer et il y a aussi des convois militaires envoyés par les pays européens. Ce n’est pas notre place….Nous ne savons pas exactement comment mais nous changerons notre itinéraire…

Après manger, direction le camping-car pour une bonne nuit de sommeil. Il continue de neiger. Nous nous demandons si nous pourrons repartir le lendemain….

Au réveil, il ne fait pas chaud dehors. Il y a des stalactites sous le camping-car. Nous découvrons le superbe paysage autour de nous: le petit village et le lac sous la neige…c’est super paisible!

Et Lilou fait sa petite balade matinale dans la neige avec Alexis. Elle a pas l’air hyper à l’aise quand même…

Le petit snack a réouvert alors nous allons prendre un petit café en amoureux avec Guillaume…C’est une manière pour nous de remercier la mamie de nous avoir permis de dormir sur son parking. Pas facile de communiquer avec la barrière de la langue. Mais on parle avec les mains….et avec les photos, les mots croates qui ressemblent au français ou à l’italien et les quelques notions de russes de Guillaume on y arrive tant bien que mal.

Nous reprenons la route, direction la ville de Karlovac plus à l’Est. La neige disparaît peu à peu. Outre le fait que Karlovac soit réputée pour sa bière (« la bière Karlovasco » 🙂 ), nous sommes impatients de visiter cette ville -qui est une des plus grandes du secteur et qui semble avoir vraiment une atmosphère des villes d’Europe de l’Est. Sur la route, nous nous arrêtons pour regarder une jolie rivière turquoise. L’eau est super claire et Guillaume, amateur de pêche, se régale à observer les poissons.

Arrivée à Karlovac, nous commençons par la tournée « lessive » dans une laverie automatique. Nous garons le camping-car sur un parking et partons avec nos sacs de linge à pied. Un gars nous interpelle direct en nous disant de venir boire un coup et manger dans son bar. Son approche est un peu brutale et insistante et cela nous laisse un drôle de sentiment. Comme s’il nous avait repéré de loin. Nous pensions peut-être rester en ville pour la nuit mais nous changeons nos plans. En voyage, on pense qu’il est toujours bon d’écouter son instinct.

A la laverie, je discute avec une dame qui habite à 30 min de là dans les montagnes. Elle vient faire ses lessives là car elle n’a quasiment pas d’eau chez elle. Je réalise à quel point certains endroits sont encore isolés dans cette région.

Après 3 heures à la laverie, le temps de laver et mettre au sèche-linge, nous partons plus vers l’Est. Nous avons repéré une ferme qui permet aux camping-car de se garer pour la nuit moyennant l’achat d’une bouteille de vin de la ferme (soit 10 euros). Nous arrivons là-bas de nuit, il y a un vent pas possible et il fait un froid glacial. Personne en vue. Nous ne savons pas exactement où est la ferme (il y a plusieurs maisons) mais rien n’est éclairé. Peut-être qu’ils ne sont pas là l’hiver…..Nous sommes en pleine campagne, au milieu des vignes et des paysages vallonnés. Nous passerons la nuit là, cela ne dérangera personne.

Le lendemain, le ciel est bien chargé et il neige à nouveau.

Nous repartons assez rapidement en direction de Zagreb, la capitale de la Croatie. Nous avons repéré un camping situé environ 15km avant l’entrée de la ville. D’après les avis sur internet, les services sont au top dans ce camping, notamment des douches avec de l’eau bien chaude. Cela nous permettra de nous poser un peu. Le confort se paie néanmoins. Il faut compter 38 euros pour la nuit. Nous ne resterons là qu’une nuit…

En faisant la vaisselle dans les bâtiments collectifs qui sont chauffés, je me mets à discuter avec une jeune népalaise qui travaille là. Elle fait le ménage dans les espaces collectifs mais aussi dans les chambres d’hôtel situées autour du camping. Elle me raconte qu’elle et ses collègues sont tous népalais, qu’elle est arrivée en Croatie depuis 2 mois et qu’elle ne s’y plaît pas. Elle me dit qu’elle travaille 7 jours sur 7 de 6h du matin à 5h de l’après-midi sans pause déjeuner. Et jamais de jour de repos. Elle n’a donc rien vu de la Croatie. Elle est là pour un an, il lui reste donc 10 mois de travail. Je vois d’un coup ce camping aux supers services d’un autre œil… encore les dérives de la mondialisation…

Avant de partir du camping, nous parlons à nos voisins anglais arrivés en camping-car la veille. Super sympas. Ils voyagent aussi avec leur chat, et sont amusés de nous voir promener Lilou en laisse. Super rigolo en plus…Lilou (allez savoir pourquoi….parce que d’habitude elle est flippée de tout!) essaie de rentrer trois fois de suite dans leur camping-car! Peut-être qu’elle se trompait de camping-car et qu’elle croyait que c’était le sien! Ou alors elle était attirée par l’Angleterre! J’ai pas compris! Mais c’était trop drôle!

Ce couple d’anglais se dirige vers la Serbie et la Bulgarie. Ils vont skier là-bas. De notre côté, nous sommes encore dans le flou en ce qui concerne la suite de notre itinéraire. Nous sommes sûrs d’une chose: nous voulons aller en direction du Sud. Mais après par où passer? Traverser la Serbie puis aller en Bulgarie et en Turquie? Repartir à l’ouest et longer la côte adriatique jusqu’au Monténégro, puis l’Albanie et la Grèce? Ou alors prendre le bateau entre la Croatie et la Grèce? Le plus simple serait de passer par la Serbie. Mais nous avons vu quelques jours avant dans les médias (BBC-télé anglaise) qu’il y a eu des manifestations pro-russes à Belgrade, la capitale de la Serbie. Nous ne savons pas trop ce que ça peut donner politiquement de passer par là. Et comment nous pourrions être perçus en tant que français….d’autant que l’OTAN (et la France) ont bombardé Belgrade en 1999 pour faire plier Milosevic. La guerre qui a eu lieu en Ex-Yougoslavie est encore fraîche dans les mémoires.

Le papy anglais nous rassure et nous dit qu’il a suivi l’actualité et qu’il n’y a pas de souci pour traverser la Serbie. Nous décidons donc d’opter pour l’itinéraire Serbie-Bulgarie-Turquie.

Nous partons pour Zagreb. C’est toujours un problème de visiter les grandes villes avec un camping-car, à la fois pour des questions de stationnement et de sécurité. Alors nous ferons juste un petit tour de la ville en fin d’après-midi et en début de soirée (il fait nuit à 17h30 à cette période) pour avoir un petit aperçu…

Zagreb et ses grandes artères aux influences austro-hongroises
Un peu de street art…L’équipe de foot de la Croatie est arrivée en finale de coupe du monde en 2018 contre la France. C’est une véritable fierté nationale.
L’église Saint-Marc de Zagreb au toit si particulier qui représente les armoiries de Zagreb et de la Croatie avec des tuiles colorées et vernies

Après Zagreb by night, nous partons pour Bjelovar où il y a une aire de camping-car dans une ferme. Apparemment il y a des chevaux et possibilité de faire des balades. Comme il est déjà un peu tard (19h30) et qu’il y a une heure et demi de route, nous appelons pour prévenir de notre arrivée. Le propriétaire de la ferme a l’air très sympa. Nous partons de Zagreb tranquillement. Le ciel est dégagé…la route est bonne….des conditions idéales pour circuler….jusqu’à ce qu’on tombe à nouveau dans une tempête de neige! Encore plus importante que les précédentes….ça tombe à gros flocons…ça tient sur l’autoroute…pas de déneigeuse en vue…on est quasiment seul sur la route…et il nous reste encore 1h de route! On s’inquiète…va-t-on pouvoir arriver? A ce rythme là, on va se retrouver coincés sur l’autoroute….

On prend notre mal en patience…enfin surtout Guillaume qui est très concentré et qui ralentit la cadence…on finit à 40km/h sur l’autoroute….les minutes défilent….On prend beaucoup de retard alors on prévient notre hôte…d’après nos calculs on ne sera pas là avant 22h…

On finit par sortir de l’autoroute et on continue sur les petits routes bien enneigées..on aperçoit une voiture dans le fossé…pas hyper rassurant…on atteint péniblement notre destination vers 22h15. Malgré l’heure tardive, notre hôte Sacha nous réserve un accueil royal: on est invité à boire un pot de l’amitié dans le restaurant de la ferme tenu par la famille: Coca ou Ice Tea pour les enfants, et Rakia de pêche pour les adultes – le Rakia est un alcool répandu un peu partout dans les Balkans et il faut bien le dire un peu trop fort pour moi! On partage un bon moment d’échange. Belle surprise. Et nous nous endormons fatigués de cette journée riche en émotions mais heureux de cet accueil super chaleureux.

Le lendemain, l’ambiance n’est malheureusement pas aussi légère. Sacha nous dit que des réfugiés ukrainiens vont arriver le soir même à la ferme. Le gouvernement croate réquisitionne tous les logements de la région. La frontière ukrainienne n’est qu’à 500km de là….Sacha semble préoccupé et on sent que ça réveille de vieux souvenirs douloureux de la guerre en Ex-Yougoslavie entre la Croatie et la Serbie…les générations qui ont connu la guerre ne s’en sont jamais vraiment remises.

Nous sommes aussi assez bouleversés par l’arrivée de cette famille. Tout à coup, la triste actualité prend une dimension concrète. Nous apprenons que les ukrainiens qui vont arriver ont fuit leur maison depuis 5 jours et que depuis ils roulent et dorment dans leur voiture.

Le lendemain, 2 combis Wolkswagen sont garés devant la ferme. La famille est arrivée à 5h du matin et est en train de vider les affaires de la voiture: les 3 enfants de 10, 13 et 15 ans, les deux parents, les deux grand-mères et l’un des grand-pères. Nous avons de la peine pour cette famille et nous souhaiterions pouvoir aider….et en même temps, nous avons comme du mal à nous sentir à notre place , nous qui voyageons pour le plaisir alors qu’eux ont voyagé pour fuir leur pays. Nous rencontrons dans la matinée l’une des grand-mères et le petit-fils de 10 ans. Ils ne parlent pas anglais. La communication n’est pas évidente. Mais l’émotion est palpable. Je mets ma main sur le bras de la grand-mère pour lui montrer mon soutien. Elle me prend dans les bras. On est tous très touchés.

On reste quelques jours chez Sacha. On va parfois boire un coup au restaurant pour rencontrer du monde. La famille de Sacha notamment. On rencontre sa femme Taiana qui est très sympathique. Elle nous parle un peu de la France car elle y est allée 2 fois avec sa fille pour des compétitions de cheval: une fois à Paris et une fois à Nègrepelisse. Oui Nègrepelisse dans le Tarn et Garonne, à 20 km de chez nous! Nous la faisons répéter tellement nous n’en croyons pas nos oreilles! Le monde est petit…

A deux reprises, Louise va faire du cheval à la ferme. C’est la fille de Sacha et Taiana, une vraie passionnée, qui tient le centre équestre. Une après-midi, petit tour dans le manège à chevaux et le lendemain matin, balade dans la campagne autour de la ferme.

Le dernier jour, nous rencontrons les autres membres de la famille ukrainienne. Nous avons envie de leur manifester notre soutien. Nous nous souviendrons longtemps de ce moment. Et nous garderons de belles images de cette région très rurale et traditionnelle.

Un corps de ferme en bois typique de la région: les murs latéraux de la grange servent de séchoir à maïs

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